Faire de l’entreprise un bien commun

Lisez la tribune de Denis Terrien, Président d’Entreprise et Progrès et de Marion Darrieutort, VP d’Entreprise et Progrès et CEO de l’Agence ELAN-EDELMAN

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Faire de l’entreprise un bien commun

Par Denis Terrien et Marion Darrieutort 

 

Depuis le boycott par des consommateurs anglais du sucre de canne des Caraïbes produit par des esclaves au XVIIIe siècle, l’affaire est entendue. Aux yeux d’un consommateur responsable, la mission de l’entreprise ne se réduit pas à engranger des bénéfices. Une entreprise est un créateur essentiel de richesse et de progrès, mais elle ne peut pas fonctionner comme si les conséquences de son activité pouvaient être cantonnées en son sein, comme si une paroi étanche existait entre le dedans et le dehors, comme si elle pouvait supprimer ses externalités négatives.

A l’intérieur et à l’extérieur de son périmètre, des parties prenantes, toujours plus nombreuses, se mobilisent pour défendre à la fois leurs intérêts particuliers et leur conception de l’intérêt général. La prise en compte et la convergence de ces aspirations multiples forment ce qu’on appelle depuis cinquante ans la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Avant de devenir la règle, grâce à la vision de certains dirigeants visionnaires, elle a longtemps été traitée avec dédain, désinvolture ou opportunisme.

La RSE est donc une idée ancienne et puissante qu’il faut réactualiser en permanence. Il s’agit, pour l’entreprise, de servir le bien commun, c’est-à-dire le progrès pérenne de la collectivité. De bâtir un équilibre entre des intérêts en partie divergents, au nom d’impératifs partagés. Par la RSE, l’entreprise se dépasse et se renforce. En articulant plus étroitement ses causes sociétales avec son activité principale et son besoin impératif d’être profitable pour investir, l’entreprise assume son impact sur la société et l’environnement. Par le biais des types d’emplois et de formations qu’elle offre, des produits qu’elle fabrique et de son mode d’utilisation des ressources, elle peut l’infléchir. Quand un grand fabricant de boissons décide de faire recruter 5 millions de femmes par ses embouteilleurs locaux dans les pays en développement, l’imbrication est claire. L’industrielemployeur-donneur d’ordres sait que son investissement dans l’emploi féminin peut doper les revenus des familles et favoriser des communautés plus riches consommant plus de ses boissons. Le cercle est vertueux.

La RSE est devenue un pilier de la stratégie. Les années de récession, les bénéfices réduits, la pression des actionnaires ont conduit à inventer de nouveaux modèles. L’époque de la RSE philanthropique, qui consistait à redistribuer une portion des profits au bénéfice de quelques parties prenantes, est révolue. Désormais, les entreprises les plus avancées dessinent chaque initiative RSE afin qu’elle s’intègre dans leurs opérations et tire leur croissance. Elle est même un instrument de gestion des risques, tant la négligence des enjeux de RSE peut coûter cher en réputation.

La transformation numérique, en brouillant les frontières entre l’intérieur et l’extérieur de l’entreprise, en bousculant les rapports entre l’entreprise et ses parties prenantes, en propulsant le client dans un rôle moteur, rend cette mutation indispensable. C’est enfin un moyen décisif d’attirer et de retenir les talents des générations nouvelles qui ont un sens aigu de l’équilibre entre l’entreprise et la collectivité.

Dans un environnement en changement chronique, la RSE devient à la fois le cap et le sens. L’entreprise n’est donc plus seulement un acteur comme un autre au service du « bien commun ». Métamorphosée par la RSE en archipel de responsabilité, elle devient elle-même un bien commun à part entière. Il convient de la protéger en tant que tel.

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https://www.lesechos.fr/26/05/2016/LesEchos/22199-041-ECH_faire-de-l-entreprise-un-bien-commun.htm#EAiSuDb7cjJFwiWy.99