De la révolution informatique à la révolution numérique

Par Carl Azoury (CEO de Zenika et membre d’Entreprise et Progrès »

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Par Carl Azoury (CEO de Zenika)

 

De la révolution informatique à la révolution numérique

Révolution informatique et révolution numérique peuvent être régulièrement confondues. Il s’agit pourtant de deux notions éminemment différentes. Si la première renvoie à l’optimisation d’un existant comme nous le détaillerons plus avant, la seconde, quant à elle, nous parle des transformations plus profondes de nos modes de vie, au point d’évoquer un monde nouveau.

L’innovation technologique, l’innovation organisationnelle et l’innovation managériale : iTOM, les trois piliers de la révolution numérique

Une entreprise se leurre quand elle pense que répondre aux enjeux d’aujourd’hui consiste à développer un nouveau portail e-commerce, une nouvelle application mobile, déployer un DataLake, lancer un Innovation Lab, etc.

Il ne s’agit plus d’optimiser un existant pour faire face à la concurrence, ni de mettre en place des outils plus modernes, mais de réaliser que cela ne suffit plus, que le véritable enjeu est d’accepter que son métier change et embrasser de nouveaux modèles d’activité !

Pour cela les organisations doivent se transformer, favoriser l’innovation, la prise d’initiative et l’émergence de nouveaux leaders en faisant confiance aux femmes et aux hommes de l’entreprise. Les modèles d’organisation trop hiérarchiques ou pyramidales ne sont plus adaptés pour relever le défi du numérique, ils doivent évoluer en devenant plus agiles. Cette transformation ne pourra pas se faire sans l’impulsion de la Direction Générale, au coeur des décisions stratégiques pour l’entreprise.

La révolution informatique

Depuis 30 ans environ, les entreprises vivent une révolution informatique qui leur a permis d’optimiser leurs activités et leurs processus, les rendant plus fiables, moins coûteux, plus rapides, plus sécurisés et plus facilement traçables. Durant cette période, ce sont principalement des applications de gestion automatisant les règles métiers qui ont été développées.[1]

Derrière cette assertion toute simple se cache pourtant une immense complexité. En terme d’innovation, c’est la constante évolution et la simplification des langages et des frameworks (briques logicielles) eux-mêmes qui permettent au fil du temps de faciliter et d’accélérer les développements.

Les technologies évoluent à une vitesse vertigineuse et les exemples sont multiples, en voici une liste non-exhaustive :

  • La montée en puissance du langage de programmation Java (1995), conservant la syntaxe de C++ (1983) tout en simplifiant en récupérant des concepts majeurs du langage Smalltalk (1975). Java a facilité la façon de programmer et a permis, de fait, d’augmenter le nombre de développeurs ;
  • La Logique de Test & Learn. Les bonnes pratiques émergent de la communauté. Une fois assimilées par celle-ci, elles donnent lieu, par exemple, aux Design Patterns ;
  • L’Evolution des briques OpenSource, ou Frameworks, qui répondent à chaque fois aux mêmes besoins (stockage des données, distribution des données et des services, plateformes web…) mais qui s’améliorent à chaque nouvelle itération ;

Dès lors, une poignée de personnes, techniquement brillantes, alliées à la puissance de la communauté, rivalisent sans aucun complexe avec des mastodontes de l’édition logicielle, pourtant confortablement “installés”.

Ces évolutions majeures ont engendré la montée en puissance des DSI (Directions du Système d’Information) au sein des entreprises. Ces départements, souvent considérés comme « utilitaires », permettent d’optimiser et d’assurer le fonctionnement de l’entreprise en fournissant des logiciels, avec deux options possibles à ce jour :

  • BUY : Achat d’outils et de progiciels « génériques » avec un travail important de configuration / intégration ;
  • BUILD : Les outils sont développés sur mesure, on parle alors de faire du « spécifique », quitte à réinventer ce qui existe déjà par ailleurs ;

La révolution informatique a donc été pour les entreprises une phase d’optimisation de leur gestion par la constitution d’outils, que ce soit via le développement d’applications de gestion ou alors via l’achat de ce type d’outils développés par des éditeurs.

« Work it, Make it, Do it, Make us, Harder, Better, Faster, Stronger » ! Ces paroles des Daft Punk illustrent parfaitement cette Révolution Informatique.[2]

La révolution numérique

Mais les temps changent et nous vivons depuis peu une transition, celle de la révolution informatique vers la révolution numérique. Cette dernière crée de nouveaux usages en défrichant des territoires encore inconnus à ce jour.

Tel Christophe Colomb qui accoste en Amérique sans se douter de la portée de sa découverte, nous sommes loin de mesurer l’impact de la révolution numérique et son impact sur l’émergence d’un nouveau monde. Cette révolution, portée par des nouvelles technologies comme la Réalité Virtuelle, la Réalité Augmentée, la Blockchain, le Big Data, l’Intelligence Artificielle ou encore l’Internet de l’Objet, engendre de nouvelles activités et de nouvelles façons d’interagir permettant aux “petits” de rivaliser avec les “géants aux pieds d’argile”.

Tous les secteurs sont concernés par ces innovations. On parle de FoodTech, HealthTech, FinTech, LegalTech, EdTech, HappyTech et même SexTech.

Prenons l’exemple de l’automobile. La révolution numérique peut rebattre les cartes du marché mondial et des équilibres économiques. Dans le cas de la société Uber, la marge pour l’entreprise est de 20% du prix de la course, le reste étant directement reversé au chauffeur. Hors coûts de fonctionnement, sur une course à 15 euros, c’est donc 3 euros qui reviennent à la plateforme de mise en relation des VTC. Dans ce nouveau monde ou la voiture autonome est une réalité, la course à 15 euros se transformerait en une course à 3 euros. A ce niveau de prix, aurons-nous autant besoin d’acheter une voiture ? La voiture, objet utilitaire, de loisir, de plaisir et de représentation sociale, laisse place peu à peu aux voitures autonomes “as a service” pour nos déplacements quotidiens.

L’impact sur le changement de taille du marché de l’automobile est inéluctable et aura des conséquences certaines sur le modèle économique des constructeurs.

En parlant d’automobile, il ne manque plus grand chose pour qu’un constructeur nous propose Kitt ! [3]

Dans le même temps, le marché de la formation va probablement évoluer de manière très significative grâce à la Réalité Virtuelle. C’est le cas de Sodexo qui annonce vivre sa révolution de formation et va former, grâce à la réalité virtuelle, 10.000 personnes, rien qu’en France[4]

La réalité virtuelle concrétise nos connaissances sur le fonctionnement du cerveau et peut tromper nos sens. Les capacités immersives sont telles que l’on peut apprendre l’Histoire en la vivant . On acquiert de la connaissance théorique de manière pratique.

C’est le K du modèle DIKW[5] des sciences de l’information, qui définit la connaissance (le K de knowledge) comme étant de l’information que l’on acquiert par l’expérience. Imaginez apprendre l’histoire en vivant les moments historiques comme l’attaque de Pearl Harbor[6]

Il ne s’agit pas que de la formation ! Safran présente son usine du future grâce à la Réalité Virtuelle / Réalité Augmentée.[7]

Nous pourrions lister tellement de nouveaux usages de la révolution numérique, sans préjuger de leur pertinence, mais qui soulèverons indéniablement des interrogations :

  • laisser une Intelligence Artificielle diagnostiquer une maladie,
  • laisser une IA assister un juge dans sa décision ;
  • laisser une IA prendre seule la décision d’abattre un être humain ;

C’est également l’avènement d’une nouvelle économie, dite collaborative[8], et l’émergence de nouveaux acteurs économiques. Ces enfants de la révolution numérique, qui utilisent directement l’innovation, lèvent des millions, et bousculent les acteurs historiques qui, eux, n’ont pas su s’adapter à temps.

iTOM, ou l’impact sur tous les départements de l’entreprise

Ne s’agissant plus uniquement de fournir un outil informatique aux métiers, mais bel et bien de l’évolution du modèle d’activité, l’innovation technologique, autrefois réservée aux DSI (Département du Système d’Information), s’est invitée dans les départements marketing, provoquant parfois entre ces deux services des incompréhensions et des discussions de périmètres.[9] Dans cette nouvelle approche, les entreprises qui ne sont pas en possession de leurs moyens technologiques, en particulier via une approche BUY (cf. plus haut) risquent de ne pas pouvoir survivre.

La fonction RH doit également innover ! Elle est en pleine mutation et tend à être moins administrative et plus orientée sur l’humain et la stratégie métier. La Direction des Ressources Humaines, dorénavant qualifiée de Business Partner, doit promouvoir la marque employeur pour attirer les futurs collaborateurs, accompagner les managers opérationnels dans l’innovation managériale afin de conserver les talents, accompagner l’entreprise dans l’innovation organisationnelle et aider à la conduite du changement. La relation employeur/employé évoluant vers un partenariat gagnant-gagnant.[10]

Direction Générale, Direction des Ressources Humaines, Direction du Système d’Information, Direction Marketing, on le voit bien, la révolution numérique impacte en profondeur les entreprises. En extrapolant, il s’agit peut être bien d’une lame de fond, d’un changement d’état d’esprit général qui se propage à tous les niveaux de la société.

Nous pouvons établir un parallèle avec les élections présidentielles et législatives de 2017 pour illustrer une lame de fond. L’organisation politique du vieux monde, incapable d’évoluer et d’accepter le changement, se fait disrupter par une jeune startup, ayant quasiment un an d’existence, La République En Marche. Exactement comme les acteurs de la révolution numérique, néophytes de l’entrepreneuriat, certains des nouveaux députés se lancent sans expérience politique, portés par une envie de changement, de bien faire et de donner du sens à leurs actions. Comme une startup, ils pourront échouer ou réussir, mais quelque chose de nouveau a émergé.

Le geek, rockstar de la révolution numérique

Les années 60 sont marquées par un mouvement qui souhaite changer le monde, le rendre plus libre, plus ouvert et plus accessible à tous. La contre-culture hippie, les artistes et les musiciens de cette époque portent cette révolution et ces rêves.

Ce même mouvement de rupture existe de nos jours, mais cette fois porté par la culture geek. Rendre le monde plus libre, plus ouvert, plus accessible… plus connecté.

Le geek de la révolution numérique n’est pas l’ingénieur informaticien de la révolution informatique. Il est plus attrayant, casse les codes vestimentaires de l’entreprise, fait son apparition dans la presse people, lève des millions et bâtit, de manière fulgurante, des empires économiques, plus puissants et prospères que certains pays, avec un investissement négligeable au démarrage: un ordinateur, une idée, la motivation de changer le monde et la production de son code source. Le geek d’aujourd’hui est la rockstar des années 60.

Il a besoin de beaucoup plus de soft skills que l’ingénieur informaticien de la révolution informatique. Il ne devra plus se contenter de développer selon des spécifications ou utiliser simplement des outils. Le geek d’aujourd’hui doit faire le lien entre l’idée, les décideurs et les technologies.Il doit être proche du métier et en comprendre les enjeux. Il est également à l’origine d’une nouvelle culture, la génération Z, les vrais digital natives.[11]

Le geek est un “globe-codeur” pouvant exercer son activité, coder depuis n’importe quel lieu, que ce soit de chez lui, en télétravail, ou en faisant le tour du monde.[12]

Il ne s’agit pas que de technologies, mais bel et bien d’une mutation profonde dans notre façon d’aborder le travail.

Les compétences techniques et méthodologiques à forte valeur ajoutées sont devenues pour les entreprises un enjeu majeur. Pour accompagner leur croissance et relever les défis de la révolution numérique, ces dernières sont aujourd’hui obligées de redoubler d’imagination en affichant des signes extérieurs de “coolitude” afin d’attirer les talents.

Mais ne nous y trompons pas, il ne sert à rien d’avoir un babyfoot à disposition si c’est pour ensuite surveiller ou réglementer les horaires. L’organisation doit se transformer et l’état d’esprit de la direction et du management s’adapter aux attentes de cette nouvelle génération en quête de sens et de bien être au travail.

Pour avoir une idée de l’état du marché concernant l’acquisition des talents, cet extrait d’un épisode de la série “Silicon Valley” l’illustre avec humour.[13]

Devons nous avoir peur de la révolution numérique ?

La transformation du monde draine des enjeux colossaux et jamais l’avenir n’aura été aussi incertain et en capacité d’évoluer si rapidement.

L’expert technique sera de plus en plus confronté à des choix éthiques, et il sera important de savoir dire non pour rester en conformité avec son éthique. Prenons le cas de James Liang, développeur impliqué dans le scandale Volkswagen. Il a été condamné à 40 mois de prison et 200 000 dollars d’amende.[14]

Cela peut concerner la création d’un Bot qui fait passer les entretiens de recrutement à la place d’un humain en arguant du fait qu’un logiciel ne fera pas de discrimination liée à l’âge, le genre ou la couleur de peau.[15]

Les industriels de la robotique et de l’IA ont co-signés une lettre envoyée à l’ONU demandant de contrôler et limiter une course à l’armement intelligent, ou, dit autrement, de robots tueurs, dotés d’une intelligence artificielle et qui prendraient seuls la décision de tuer un être humain à base de résolution d’algorithmes.[16][17]

Mais la révolution numérique c’est aussi l’espoir de changer le monde, le rendre meilleur, effacer les inégalités et le rendre plus libre, plus ouvert et plus accessible à tous.

Délocaliser le travail sur tout le territoire national

Voilà un bel exemple d’impact positif sur l’humanité de la révolution numérique.

Dans la même veine que le documentaire “Demain”[18], et dans un souci de préservation de notre planète, le numérique peut énormément contribuer à favoriser les interactions et une économie locale. Plutôt que de concentrer de plus en plus de personnes dans des tours, autant profiter de toute la géographie d’un pays afin de créer des campus ayant toutes les facilités nécessaire permettant d’améliorer notre quotidien professionnel (restauration, complexe sportif et culturel, nature,…).

Remerciements

N’hésitez pas à commenter et partager avec nous vos commentaires et remarques autour de cet article. Et si vous êtes vous même acteur de la révolution numérique, échangeons sur vos actions et vos projets !

Linda Malka, Julia Lehoux, Romain Vernoux, Cyril Cazalot, Bertrand Bailly, Antoine Bonneau, Cyril Renault, Xavier Detant, Matthieu Lux merci à vous pour votre relecture et vos avis éclairants.

Liens

[1] La révolution informatique, vue en 1968

[2] Harder, Better, Faster, Stronger

[3] Série télévisée K2000

[4] Formation en Réalité Virtuelle chez Sodexo

[5] Modèle DIKW

[6] Apprendre Pearl Harbor grâce à la réalité virtuelle

[7] L’usine du future chez Safran

[8] Lien wikipédia concernant l’économie collaborative

[9] Evolution du Marketing et de la DSI

[10] DRH, business partner

[11] Génération Z, ou les digital natives

[12] Evolution du rapport au travail des salariés

[13] Les geeks, stars du recrutement

[14] L’importance de savoir dire non

[15] Outil d’Intelligence Artificielle pour le recrutement

[16] Lien “Future of life” sur les robots tueurs

[17] Extrait Robocop, du robot tueur, ayant une IA défectueuse

[18] Documentaire “Demain”

[19] Zenika, the link between the organic and the digital worlds

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