L’entreprise de demain ne sera plus une forteresse pyramidale aux frontières solides, aux contrats fixes, à la hiérarchie fournie et au dialogue social codifié. L’entreprise de demain sera un réseau très horizontal aux bornes mouvantes, employant quelques salariés et entouré de cercles concentriques de fournisseurs indépendants.
Cette configuration est la plus efficace pour satisfaire les besoins des générations qui se croisent et pour prospérer dans l’économie mondialisée, la concurrence acharnée et l’information instantanée. Mais dans ces entreprises là, plongées dans cette économie là, que va devenir le dialogue social ? Certains prophètes lui prédisent le sort des ruines en expliquant que la multiplication des contrats courts, l’essor du télétravail, l’érosion des rapports hiérarchiques et la dématérialisation des tâches vont individualiser inexorablement les comportements des salariés.
Nous pensons au contraire que le dialogue est la condition de l’avenir, la voie vers la performance dans une entreprise rassemblant salariés, directs ou indirects, permanents ou ponctuels, et sous-traitants, réguliers ou occasionnels. Tous ces acteurs ne convergeront vers des enjeux communs que si existe entre eux un dialogue respectueux, intelligent et équilibré.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le comportement de certaines plateformes, et en particulier certaines plateformes de VTC. Alors que la loi ne les oblige à presque rien, les plus progressistes d’entre elles comprennent que dans la nouvelle compétition, la pérennité viendra moins de la prouesse technologique que de l’innovation sociale, c’est-à-dire de la qualité de la relation entre l’entreprise et les freelances – parfois des dizaines de milliers – qui travaillent avec elles. Voilà sans doute la plus belle des revanches pour le dialogue social : là où il n’existe pas, des dirigeants responsables ressentent le besoin de l’inventer.
Ces derniers ne veulent plus de la confrontation ritualisée entre des managers honorant à reculons une contrainte purement juridique et des syndicats réfugiés dans des postures aussi tribunitiennes que conservatrices. C’est peu de dire que ce système est à bout de souffle. Souhaitons que les avancées récentes, en particulier la fusion des différentes instances représentatives du personnel (IRP) et l’affirmation (insuffisante malheureusement) de l’entreprise comme principal terrain de la négociation, favorisent enfin ce dialogue réel et efficient. Car c’est dans l’entreprise que s’expriment les réalités économiques et humaines concrètes.