Reprenons le pouvoir sur les plates-formes du numérique
Par Christine Durroux (associée chez Kea & Partners), Yanis Kiansky (PDG d’Allocab), Nathalie Rigaut (conseiller des dirigeants chez Steelcase). Tous les trois sont membres d’Entreprise et Progrès.
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Reprenons le pouvoir sur les plates-formes du numérique !
29 juillet 2019
Google, Uber, Facebook… Dans la galaxie des plates-formes, on naît petite, beaucoup meurent très vite, certaines grandissent et quelques-unes deviennent des supernovas. Neuf des dix plus grosses capitalisations boursières mondiales de 2019 sont des plates-formes du numérique.
Elles inondent notre quotidien. Elles rapprochent les individus, permettent au travailleur de s’affranchir du lien à un employeur afin d’équilibrer à sa guise sa vie professionnelle et privée. Elles offrent des alternatives écologiques à la propriété et à la consommation de masse grâce à l’économie du partage et de la fonctionnalité.
Jeunes ou moins jeunes… nous voyageons grâce à elles partout, plus loin, moins cher, plus vite. Nous achetons tout, tout de suite, tout le temps, facilement. Pour être informés et cultivés en permanence, nous restons connectés 24 heures sur 24. Nous voulons travailler et nous former quand ça nous chante. C’est possible, grâce aux plates-formes.
Prise de conscience
Mais elles ont leur face sombre. Leur fonctionnement s’accompagne d’effets rebond redoutables : surconsommation, rapport de force déséquilibré entre travailleurs, fournisseurs indépendants et plates-formes acheteuses parfois peu scrupuleuses en matière sociale. Les plates-formes transforment tout, elles reconfigurent le jeu concurrentiel. A chaque utilisation d’une plate-forme, celle-ci utilise et monétise nos données, ces empreintes de notre existence numérique que nous laissons sur les réseaux.
Pour les consommateurs, l’heure est à la prise de conscience. Le consommateur citoyen doit comprendre qu’il tient dans ses mains le destin des plates-formes, car leur modèle économique repose sur la demande du marché. Par le truchement de l’effet de réseau, chacun a un rôle déterminant à jouer : aider ou pas une plate-forme à atteindre la taille critique indispensable à sa survie. Plus informé que jamais, le consommateur a le choix, il a le pouvoir, mais le sait-il ? S’en sert-il ?
Les entreprises affrontent le même défi. Au-delà de la menace que peut représenter une plate-forme pour leur business historique, au-delà du risque de perdre son pouvoir de marché en partageant trop de données avec ces entités, les entreprises sont aussi des utilisatrices et des prescriptrices pour de multiples services. En ce sens, elles ont la capacité à faire émerger – ou non – des acteurs responsables et à favoriser certains usages auprès de leurs collaborateurs.
Ethique et équité
Alors, agissons. Construisons l’alliance entre dirigeants, entrepreneurs et consommateurs responsables, qui réinventera le modèle des plates-formes. La pédagogie sera cruciale. Les dirigeants doivent s’obliger à comprendre en profondeur le phénomène pour ensuite sensibiliser et former les collaborateurs, qui sont autant de citoyens. Augmentés, alertés, plus conscients que jamais des conséquences de nos actes numériques, nous allons devoir passer, enfin, du statut de consommateur passif à celui de « consommacteur ».
Une plate-forme est d’abord une entreprise. Favorisons celles qui mettent l’éthique, le partage et l’équité au coeur de leur gouvernance. Donnons notre confiance à celles qui partagent la valeur de manière équitable avec tous les protagonistes, qu’il s’agisse du travailleur indépendant, du producteur, du détenteur de la donnée, de l’actionnaire ou du collecteur d’impôts. Retirons notre confiance et boycottons les entreprises qui se moquent des dérives environnementales ou sociales. Nous avons le pouvoir sur les plates-formes. Exerçons-le !
Les plates-formes sont des entreprises qui génèrent des externalités et doivent les assumer. Dans la perspective du Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), elles doivent trouver et affirmer leur raison d’être pour engager à la fois collaborateurs, clients, consommateurs et utilisateurs. Ce sera l’avantage compétitif durable des plates-formes responsables plébiscitées par l’alliance entre dirigeants et consommateurs.
Christine Durroux est associée chez Kea & Partners ; Nathalie Rigaut est conseiller des dirigeants chez Steelcase ; Yanis Kianskyest PDG d’Allocab. Tous sont membres du « think tank » Entreprise et Progrès.
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