« Inscrire solennellement la responsabilité sociale dans la raison d’être de l’entreprise »

Par Hubert de Boisredon (PDG d’Armor) ; Antoine Lemarchand (Président de Nature & Découvertes) ; Ronan Le Moal (Directeur général de Crédit mutuel Arkéa) ; Vincent Rouaix (PDG de GFI) ; Denis Terrien (Président d’Entreprise et Progrès).

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« Inscrire solennellement la responsabilité sociale dans la raison d’être de l’entreprise »

 Par Hubert de Boisredon (PDG d’Armor) ; Antoine Lemarchand (PDG de Nature & Découvertes) ;
Ronan Le Moal (DG de Crédit mutuel Arkéa); Vincent Rouaix(PDG de GFI) ;
Denis Terrien (Président d’Entreprise et Progrès)

 

Cinq dirigeants d’entreprise ou de think tank prennent position, dans une tribune au « Monde », en faveur d’une révision de l’objet social de l’entreprise dans le Code civil.

 

L’entreprise n’a en France ni la reconnaissance ni le statut qu’elle mérite. Les grands textes du droit continuent d’ignorer les mutations majeures que l’entreprise a conduites depuis la fin des « trente glorieuses » et que le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) du gouvernement veut, enfin, prendre en compte. Il y a pourtant bien longtemps que le rôle de l’entreprise dépasse largement la production. Bien longtemps qu’à côté d’institutions comme l’Etat, la famille, la religion et l’école, qui voient leur légitimité contestée et leurs moyens diminués, l’entreprise émerge comme un repère de stabilité, de sociabilité, de sens et de dynamisme.

La révolution numérique et la demande citoyenne effacent progressivement la frontière entre l’entreprise et la société civile

L’entreprise est devenue un acteur à part entière de la société. Au-delà de la création de biens, de services et d’emplois, sa mission ne cesse de s’étendre à d’autres dimensions incarnées par d’autres parties prenantes. La révolution numérique et la demande citoyenne effacent progressivement la frontière entre l’entreprise et la société civile, déplaçant les limites de la responsabilité et proposant une autre répartition des tâches. La séparation dogmatique confiant le risque aux entreprises et la norme aux Etats n’est plus de mise. Les Etats continueront à réguler, mais autrement. Pour faire avancer leurs grandes causes environnementales ou sociales, ils nouent des partenariats avec les entreprises, grandes ou petites, qui veulent s’engager davantage dans la société. Ils s’en remettent aux savoir-faire et au sens de l’innovation des entreprises, à leur capacité de déceler les technologies, les talents et les financements de demain. L’impulsion politique restera un moteur important mais, quand des entreprises pionnières prendront l’initiative, l’Etat viendra en appui pour inscrire ces pratiques dans un cadre réglementaire pérenne. C’est la naissance d’une nouvelle ère collaborative.

Nouvelle dimension de la gouvernance

Ces entreprises visionnaires, encore trop rares, ont compris que le monde a changé de manière irréversible. Elles sont entrées dans une nouvelle dimension de la gouvernance. Pour contribuer à une croissance raisonnée génératrice de bien-être et de progrès, elles comprennent que les profits générés par leur activité doivent aussi servir une responsabilité sociétale et environnementale. Elles veulent satisfaire l’intérêt commun de toutes les communautés affectées par son activité ou y contribuant.

Il est temps d’adapter le droit français, en particulier un Code civil vieux de deux siècles

Ces entreprises d’aujourd’hui se fixent une double mission : créer de la richesse pour leurs actionnaires tout en renforçant les biens communs. Les entreprises y viendront toutes, chacune à son rythme, car c’est le sens de l’histoire. Il est temps d’adapter le droit français, en particulier un Code civil vieux de deux siècles, à ces nouvelles dimensions. Ne nous contentons pas de cet article 1833 évoquant sèchement une « société » et ses associés sans faire la moindre allusion à l’aventure collective qu’est le projet d’entreprise. L’entreprise, c’est plus que ça.

Affirmons solennellement une fois pour toutes cette double mission, assumons la nécessité du temps long et réécrivons l’article en affirmant que toute société « a vocation à être gérée dans l’intérêt commun des associés en tenant compte des intérêts des tiers prenant part, en qualité de salariés, de collaborateurs, de donneurs de crédit, de fournisseurs, de clients ou autrement, au développement de l’entreprise qui doit être réalisé dans des conditions compatibles avec l’accroissement ou la préservation des biens communs ».

La raison d’être de l’entreprise

Pour inscrire solennellement la responsabilité sociale dans la raison d’être de l’entreprise, cette solution est bien préférable à une volée de tracasseries réglementaires.
De grands pays nous ont précédés. L’Allemagne, les Pays-Bas et surtout le Royaume-Uni qui montre la voie depuis une décennie. L’article 172 du « Companies Act » britannique de 2006 fait par exemple obligation aux membres du conseil d’administration de « prendre en compte les conséquences à long terme probables de toute décision, les intérêts des salariés, l’impact des activités de l’entreprise sur la collectivité et l’environnement, et le souhait de l’entreprise de maintenir une réputation élevée de conduite professionnelle ».
En inscrivant cette nouvelle dimension de l’entreprise dans son Code civil, la France rejoindra tout simplement le peloton des pays avancés et confortera, par la voix de ses entreprises, son statut reconnu de leader en matière de responsabilité.

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