Quel est le rôle du chef d’entreprise dans la reconstruction sociale et économique ? Réponse avec Bernard Gainnier, Président de PwC France et Maghreb

80 % des chefs d’entreprise envisagent une transformation de leur modèle pour mieux anticiper les enjeux de demain. PwC a, dans ce sens, lancé son programme Reconstruire, une plateforme de propositions et de débats permettant de comprendre les impacts et mutations imposés par la crise et d’imaginer le dépassement de notre modèle. Son Président, Bernard […]

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80 % des chefs d’entreprise envisagent une transformation de leur modèle pour mieux anticiper les enjeux de demain. PwC a, dans ce sens, lancé son programme Reconstruire, une plateforme de propositions et de débats permettant de comprendre les impacts et mutations imposés par la crise et d’imaginer le dépassement de notre modèle. Son Président, Bernard Gainnier, souligne le rôle important des entreprises à la fois acteurs et objets de la transformation. Leurs dirigeants doivent donner du sens à l’ensemble de l’écosystème. 

Zoom sur le rôle du dirigeant d’entreprise dans la reconstruction sociale et économique du pays à travers l’interview de Bernard Gainnier.

La crise a rebattu les cartes pour de nombreux acteurs : société civile, État, consommateurs et citoyens, etc. Comment voyez-vous le rôle de chacun suite à la crise ? 

B-G : La crise a amplifié les difficultés et empêché une grande partie de nos citoyens de faire société. Dans ce contexte, aujourd’hui, l’entreprise est le seul corps social qui garde la capacité de résoudre la plupart des problématiques d’urgence que nous pourrons rencontrer dans les 10 ans à venir, qu’elles soient sociales, économiques ou environnementales. Depuis 40 ans, la société dans laquelle nous évoluons, favorise le principe du profit et de la compétitivité, à tel point que l’on oublie l’importance de coopérer pour avancer collectivement. La problématique de la création de valeur est également à l’origine d’une fracture forte au sein de la société. L’entreprise doit y remédier, car elle a les capacités, en tant qu’acteur économique, de mobiliser son écosystème pour permettre d’embarquer tout le monde, à condition qu’elle change elle-même, .

Vous dites que des signaux existaient et que les entreprises en avaient conscience. Pourquoi les entreprises n’ont-elles pas pris en compte ces signaux ? 

B-G : Elles n’étaient pas forcément adaptées au monde qui vient et la crise sanitaire les a beaucoup impacté. Aujourd’hui, les chefs d’entreprises ont pris conscience que leur gouvernance doit évoluer. Maintenant, leurs responsabilités consistent à se demander comment anticiper le monde de demain et comment s’adapter aux enjeux à venir. Ils deviennent, à la fois, objet et acteur de la transformation. L’accélération de la convergence de tous ces acteurs va permettre de basculer d’un monde à un autre et de changer la façon dont nos sociétés fonctionnent.

Il est indiqué dans votre programme Reconstruire que les chefs d’entreprise doivent donner du sens à l’ensemble de l’écosystème au-delà de la raison d’être de l’entreprise, pouvez-vous préciser ? 

B-G : Donner du sens est important car cela donne un objectif à la transformation des entreprises. Cela signifie donner et faire confiance afin d’anticiper les besoins des collaborateurs, des clients, et de tout l’écosystème. Dans un monde aussi complexe, où la donnée est très largement partagée, l’information a besoin d’être au plus près du terrain. Pendant la crise du covid, ceux qui ont trouvé des solutions étaient des personnes de terrain. Cependant, faire confiance implique de réinventer le management. 

Le rôle du dirigeant d’entreprise est d’abord de donner du sens et des valeurs à son action, tout en anticipant les grands enjeux de ce changement de monde au travers de questions multiples. Comment transformer le management ? Quels sont les nouvelles compétences à développer ? Quels types de talents doit on rechercher ? Comment permettre à chacun de s’exprimer et ne pas apparaître forcément comme celui qui décide et qui impose ? Il faut donner une nouvelle impulsion pour agir et libérer l’initiative afin d’innover. La crise l’a montré, la technologie jouera un rôle fondamental dans les relations du business et de la relation client.

La gouvernance d’une entreprise sera très différente demain. Elle devra s’ouvrir aux différentes parties prenantes ou même aux consommateurs. Il existe un mouvement qui aspire à plus de coopération, de collaboration, au sein même des directions, avec une diversité des points de vue et des talents.

Dans votre Programme Reconstruire, vous présentez 4 scenarii potentiels afin d’envisager d’autres modèles et d’imaginer la formule idéale permettant de “réconcilier l’État, les entreprises et les citoyens”. Vers quel scénario nous dirigeons-nous d’après vous ? 

B-G : Aucun des scénarios ne se déroulera comme on l’imagine. Il s’agira sans doute d’une combinaison des quatre. Le risque d’une régression, d’un repli sur soi des entreprises, du “moi d’abord” demeure. Une victoire du bilatéralisme et du rapport de force, au niveau national, n’est pas exclue. C’est un danger, car cela ne résoudra rien et ne fera qu’accélérer les tensions sans résoudre les enjeux collectifs. Alors, donnons l’exemple : la seule solution est de privilégier la coopération, le multilatéralisme et le travail en écosystème pour les entreprises. C’est en assumant de jouer notre rôle, en connaissant nos potentielles faiblesses que l’on créera du sens. Ainsi, je l’espère sincèrement, nous pourrons nous diriger favorablement vers le scénario 4. 

L’entreprise a un rôle de première importance à jouer dans la reconstruction du paysage social et économique français. Pour cela, elle doit elle-même se transformer afin de développer et privilégier la notion de coopération face à celle de la compétitivité. Les entreprises qui veulent saisir les opportunités de la crise doivent s’engager sur ce chemin. Les chefs d’entreprise ont une mission : donner du sens. Bernard Gainnier a écrit, à ce titre, un livre qui sortira début novembre intitulé “Dirigeants ce que le monde attend de nous”.