Quelle gouvernance et quel partage pour le progrès ?
La notion de progrès est de plus en plus questionnée. Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour redéfinir le progrès et mettre l’accent sur les notions humaines, écologiques, sociales. Mais la notion de progrès est encore bien souvent accaparée par un certain nombre d’élites, qui bien souvent sont très peu diversifiées. Alors, comment […]
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La notion de progrès est de plus en plus questionnée. Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour redéfinir le progrès et mettre l’accent sur les notions humaines, écologiques, sociales. Mais la notion de progrès est encore bien souvent accaparée par un certain nombre d’élites, qui bien souvent sont très peu diversifiées.
Alors, comment mieux impliquer l’ensemble des citoyens dans la définition et la gouvernance du progrès ? Comment redonner la parole aux jeunes, aux populations défavorisées, lorsqu’il s’agit de penser ce que sera le progrès, c’est-à-dire l’avenir ? Quelle gouvernance, quelles institutions peuvent permettre ce changement de paradigme ? Comment les entreprises peuvent contribuer à cette démocratisation de la gouvernance du progrès ?
Retour sur ce troisième atelier de notre chantier sur le progrès intitulé “Quelle gouvernance et quel partage pour le progrès ?”, au cours duquel Léa Méléard, Étudiante à Sciences Po Paris et engagée au sein du collectif “Pour un réveil écologique”, Myriam Maestroni, Fondatrice et présidente de E5T Foundation, et Hervé Gbego, associé chez Endrix et membre du bureau du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables, nous apporterons leurs éclairage, accompagnés de Patrick Lagarde, Executive Advisor et ex-CEO de Brinks France.
Mettre en place une gouvernance du progrès reposant sur des acteurs clés
Une gouvernance du progrès est nécessaire, d’abord d’un point de vue social. La révolution numérique a imposé un nouveau contrat social, et plus globalement un progrès gouverné avec une trajectoire claire permettrait de répondre aux différentes menaces sociales, à la défiance générale vis-à-vis des gouvernements, aux menaces identitaires et populistes. Réorienter le progrès et la croissance dans un sens de justice social, ce qui interroge donc les rapports de force entre acteurs.
Dans cette idée, une gouvernance du travail doit aussi être pensée, dans une optique d’acculturation, pour repérer les parties prenantes sur lesquelles s’acculturer et prendre leurs bonnes pratiques pour sortir de la vision purement managériale, et inclure les collaborateurs. La co-gestion doit ainsi être réfléchie, notamment avec des réglementations, car l’urgence climatique demande une réglementation forte.
Cette gouvernance, certes dans un contexte d’urgence climatique et de réglementations, ne doit pas oublier de donner l’envie de transformation, d’aider à la décision, et apporter aux entreprises des compétences clés nécessaires pour s’adapter et créer de la valeur.
Mobiliser, notamment les plus jeunes : mission impossible ?
Pour mobiliser et être mobilisé, il faut être outillé, et si cela évolue progressivement c’est encore insuffisant au vu de l’urgence. Les cursus s’adaptent aux demandes des étudiants, afin d’avoir des formations pour répondre aux enjeux actuels. Mais une vision plus soutenable est nécessaire.
On observe cependant un mouvement de fond dans l’engagement des jeunes, avec une vraie conscience de l’urgence climatique : globalement chez les jeunes générations l’engagement est désormais plutôt associatif et militant que dans les urnes.
Une évolution est aussi observable dans le monde des entreprises, où la question des valeurs et de la gestion des externalités négatives se pose de plus en plus. Les jeunes générations sont de plus en plus attentives à la responsabilité des entreprises, et celles qui prendront en compte leurs inquiétudes auront de meilleures chances de recruter et de garder leurs collaborateurs.
Pour mobiliser, on ne peut pas imaginer une gouvernance du progrès que sous un prisme d’urgence ou de contrainte, il faut donner envie, aspirer à mieux vivre, repenser l’économie, repenser les territoires, et donner de nouvelles formes d’innovation.
“Il faut casser ce mythe d’un progrès infini. Il faut le réorienter dans un sens de justice sociale et de respect des limites planétaires. »
Léa Méléard
Si les managers et les décideurs ont souvent une vision court-termiste, il est nécessaire pour intégrer le progrès dans l’entreprise de prendre le temps, de donner les outils pour comprendre et intégrer la durabilité. De nombreux sujets sont complexes, il est important ne pas aller trop vite et ne pas tendre vers le simplisme en donnant l’illusion qu’on règle le problème. C’est pourquoi avoir une méthode et se faire accompagner (par des cabinets spécialisés notamment) est une bonne étape, afin de trouver des solutions aux externalités négatives.
Il ne faut également pas oublier le rôle des connaissances, qui évoluent et doivent être mises à jour régulièrement. C’est le rôle de l’éducation, et donc de la formation en interne qui est cruciale, pour ensuite créer du lien et de la collaboration, et garder la capacité de se transformer. Mettre la diversité au centre du projet d’entreprise et avoir une intention permet d’articuler l’action des uns et des autres au sein de l’entreprise.
“Tout le monde à sa place à jouer vers le progrès (états, entreprises, étudiants, professeurs, citoyens…). Faut-il encore que chacun connaisse sa place. Il faut articuler l’action des uns et des autres !”
Myriam Maestroni
Le reporting pour objectiver et quantifier le progrès dans l’entreprise
L’entreprise doit voir l’ensemble de ses responsabilités et trouver sa façon de les mesurer et l’évaluer, et trouver les indicateurs adaptés. Si le reporting est essentiel pour cet exercice, il faut garder en tête que cela comporte beaucoup d’indicateurs. Il faut donc outiller les entreprises avec un système comptable, et créer les données nécessaires à un reporting qualitatif. D’autant plus que le reporting est souvent fléché vers les actionnaires, mais la RSE demande aussi de prendre en compte les autres parties prenantes, qui ne regarderont pas forcément les mêmes indicateurs. Un reporting doit être lisible pour tout le monde, y compris les collaborateurs intégrés dans le projet d’entreprise.
L’entreprise est en quelque sorte confrontée à une information à deux jambes : financière et extra financière. L’immatériel étant cependant flou, une méthode parmi d’autres consiste à relier cette information non financière avec l’information financière classique, avec la comptabilité, pour adapter le langage aux décideurs. Le but étant d’intégrer la notion de capital naturel et humain au côté du capital financier, non pas dans une valeur de marché mais dans une optique de coût nécessaire à leur maintien. C’est la notion de dette écologique : l’entreprise doit représenter le coût de cette atteinte écologique et réfléchir à sa solvabilité.
Cette méthode de comptabilité intégrée, dont on parle de plus en plus en RSE, est une sorte de stress test qui permet de voir où en est l’entreprise, c’est d’abord un outil interne d’aide à la décision. C’est donc une vision du progrès mettant en avant l’acculturation des entreprises à la notion de non durable, et à la perte de valeur si elles ne gèrent pas d’autres paramètres non financiers.
“Il faut générer un système comptable permettant de renseigner les actionnaires mais aussi d’autres parties prenantes qui ne regarderont pas les mêmes indicateurs.”
Hervé Gbego
Pour conclure, une gouvernance qualitative du progrès ne pourra se faire sans inclusion, et sans une réflexion profonde au sein des entreprises. C’est aussi sortir d’une forme de déni où une solution magique viendrait répondre à tous les problèmes. Seule une méthode adaptée à chaque besoin interne sera efficace, et cela demandera du temps et de l’implication !
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