Rencontre avec Stéphane Junique, président du groupe VYV

Entreprise et Progrès est allé à la rencontre de Stéphane Junique, président du groupe VYV, membre de notre think tank. Une interview passionnante qui aborde de nombreux sujets sociaux, de la santé au logement.

  • Interview

Le Groupe VYV est membre d’Entreprise et Progrès. Quelles ont été vos motivations à rejoindre ce think tank ? Comment y contribuez-vous aujourd’hui ou envisagez-vous d’y contribuer à l’avenir ?

Avec Entreprise et Progrès, nous partageons une même conviction : placer l’humain au cœur de l’entreprise. Ce n’est pas un simple slogan mais véritablement un engagement sociétal fort, je dirais même une forme de reconnaissance sociale au sein de notre organisation.

Depuis 2 ans, nous avons participé aux temps forts du think tank tels que les rencontres et groupes de travail. J’aimerais aller un cran plus loin notamment en travaillant ensemble sur les enjeux de santé et de protection sociale. Ces sujets ont été durant des décennies très éloignés de la vie de l’entreprise et sont devenus des sujets centraux.

 

Quelle est votre définition du progrès ?

Dans la société actuelle, monte une aspiration au mieux vivre c’est-à-dire mener une vie décente, bénéficier d’un cadre de vie agréable, mais aussi mieux manger, prendre soin de soi, se sentir protégé et accompagné contre les aléas de la vie. La qualité de vie et l’espérance de vie en bonne santé sont au centre des préoccupations de tous.  C’est pourquoi je définirais le progrès comme tout ce qui concourt à ce que chacun d’entre nous, individuellement et collectivement, vive mieux.

J’ajouterais que le progrès ne peut se limiter à une dimension techno-solutionniste. Il s’inscrit pleinement dans une approche de transformation sociale. En effet, notre société vit une révolution de la longévité ; c’est un des grands changements anthropologiques de notre temps. Ceci est une conséquence du progrès médical/thérapeutique mais l’allongement de l’espérance de vie est aussi lié à la création de la sécurité sociale, aux investissements sociaux qui ont été faits pour que notre appareil sanitaire, à l’instar de l’hôpital, soit amélioré et que son accès soit facilité.

La transformation sociale est un enjeu central pour concourir au mieux vivre.

Bien sûr il y a encore des trous dans la raquette. Je pense, entre autres, à la prise en charge du grand âge. Mais le modèle français est vertueux. Et je suis convaincu que pour accélérer cette transformation sociale, les entreprises ont pleinement un rôle à jouer.

 

Comment le groupe VYV contribue-t-il au bien commun et à la richesse collective ? Pouvez-vous partager avec nous quelques exemples concrets ?

On limite souvent les groupes mutualistes à une dimension assurantielle. Or, c’est une approche de la santé globale qui nous anime. Le groupe VYV est très investi sur les enjeux de la prévention. Je pense notamment à tout ce qui touche la fragilité psychologique ou encore la santé au travail, deux sujets sur lesquels nous avons envie de nous investir de façon plus importante.

Nous mobilisons 2 % de nos cotisations pour des actions de prévention soit environ 110 millions d’euros à l’échelle de notre Groupe et ainsi être des acteurs complémentaires de l’État et de l’Assurance Maladie. Repérer les risques socio-écologiques représente un sujet d’attention pour moi car je les juge insuffisamment pensés au sein de notre société.

Et puis il y a également le logement, qui est un déterminant de santé. Les personnes qui vivent dans la rue aujourd’hui ont une espérance de vie de 47 ans. C’est pourquoi nous avons créé le label « mon logement santé » . Le Groupe VYV est aujourd’hui le 4ème opérateur de logement social en France avec plus de 200 000 logements sociaux.

Notre idée est d’aller encore plus loin à travers la création de salle de santé/sport, l’aménagement de cages d’escaliers plus accessibles et agréables…

Si je disposais d’une baguette magique, je ferais en sorte que la question du logement ne soit plus une question. Je la trouve trop peu présente dans le débat public, sauf à travers une approche purement économique. J’en ferais donc un enjeu d’investissement social mais aussi de bien commun. Jamais, nous n’avons eu autant besoin de logements dans notre pays et nous n’avons jamais été autant en retard sur la production de logements, pas seulement sociaux.

Le logement est un déterminant de santé, c’est un élément qui permet de protéger de la précarité et de la pauvreté. Sans logement, sans toit, il est difficilement concevable de pouvoir bien travailler. Et parfois même lorsqu’on travaille, il est parfois difficile de se payer un logement. Une absurdité !

Enfin, j’aimerais aborder la santé au travail. En 2025, un quart de la population active sera concerné par une maladie chronique. Or, cela ne doit pas être un obstacle à l’exercice professionnel. Notre devoir est de pouvoir accompagner les entreprises afin qu’elles soient bien au rendez-vous de leurs responsabilités en qualité d’employeurs.

 

 

Dans le contexte inflationniste que nous traversons, la montée de la précarité et de la pauvreté semble inexorable. Que mettez-vous en place pour garantir « une santé accessible à tous » ?

Sans équivoque, nous devons répondre au renoncement aux soins, exprimé par 7 Français sur 10 au moins une fois au cours de ces dernières années.

Plus d’un tiers des Français estime qu’il est difficile d’avoir accès aux soins. Notre modèle de santé est parmi les meilleurs du monde et pour autant il présente des fragilités. La santé est un droit inscrit au préambule de la Constitution de 1946. C’est aussi un devoir pour le Groupe VYV que de développer une offre de soins et d’accompagnement de proximité. Dans les 3 ans à venir, 500 millions d’euros y seront consacrés.

L’enjeu de la précarité, nous l’adressons de la façon suivante : d’abord en garantissant à nos adhérents l’accès à une complémentaire santé solidaire. Aujourd’hui cela représente plus de 250 000 personnes parmi les plus éloignées aux soins qui en bénéficient. Mais nous avons pour ambition d’aller plus loin notamment concernant la précarité des jeunes. 5 % des moins de 21 ans ne disposent pas de mutuelle et 15 % des moins de 28 ans ne bénéficient pas d’une couverture santé, souvent en raison d’un pouvoir d’achat peu élevé. Nous ne pouvons accepter cette fatalité chez VYV, raison pour laquelle nous agissons en mettant en place la portabilité pour les jeunes à partir du contrat des parents.  Ainsi, jusqu’à 25 ou 28 ans, l’enfant peut rester sur le contrat de ses parents.

 

Quelle est la force de votre mode de gouvernance et en quoi est-il innovant par rapport aux entreprises classiques ?

Notre vraie singularité, c’est que ce sont nos adhérents, soit 11 millions de personnes, les acteurs de la gouvernance d’entreprise. J’en veux pour preuve la place de dirigeant effectif que j’occupe dans le Groupe, atypique compte tenu de ma formation d’origine d’infirmier. Cela n’a été possible qu’en raison de notre modèle mutualiste, une force indéniable qui positionne les citoyens adhérents au cœur des enjeux de santé et de protection sociale.

 

L’Entreprise fraternelle est au cœur des réflexions d’Entreprise et Progrès : qu’est-ce que cela vous évoque ?

Cette valeur de fraternité est fondamentale pour moi car elle englobe à la fois une attention de la communauté, à chacun et réciproquement et aussi une attention de chacun à chacun. On peut appeler cela aide, entraide, solidarité, etc., ces attentions du quotidien qui permettent à ce que chacun se sente bien au sein d’une communauté.

Dans la communauté du Groupe que je préside, il est de ma responsabilité d’y être vigilant tant dans mes relations avec les membres de la direction générale et du conseil d’administration, qu’au travers mes interactions avec les collaborateurs ou adhérents, puisque nous formons un tout.

 

Propos recueillis par Ariane Benard