Laurence Peyraut, directrice générale du LEEM
Rencontre avec Laurence Peyraut, vice-présidente de notre think tank. La nouvelle directrice générale du leem partage son parcours, ses priorités et bien sûr sa définition du progrès.
- Interview
Pourriez-vous nous présenter brièvement le leem ?
Le leem est le syndicat des entreprises du médicament. Dans le cadre de mes fonctions actuelles, je représente tout le secteur pharmaceutique en France ; des petites entreprises qui produisent des médicaments du quotidien jusqu’aux grands innovants qui investissent en R&D, soit 300 entreprises et 100 000 emplois en France. Le leem est au cœur de tous les débats européens liés à la souveraineté sanitaire et de toutes les transitions à opérer qu’elles soient sociales, sociétales, environnementales ou encore numériques, sur l’un des marchés les plus réglementés au monde.
Notre modèle social est unique et nous devons faire en sorte que la France reste le pays de la carte verte et ne pas devenir le pays de la carte bleue.
Comment vous êtes-vous préparée à prendre la suite de Philippe Lamoureux qui a occupé ce poste pendant plus de 15 ans ?
Je suis restée moi-même, avec mes convictions et mes valeurs profondes.
Effectivement mon profil est différent de celui de Philippe avec qui j’ai échangé sur les défis à venir. Intégrer les enjeux de souveraineté sanitaire pour l’accès aux traitements de chacun d’entre nous, oser parler de soutenabilité économique de nos entreprises mais aussi mettre sur la table les défis à opérer toutes les transitions (sociales, sociétales, environnementales…), explique probablement le choix de ma venue ayant tout au long de ma carrière poussé à mieux coordonner toutes les tensions que nous rencontrons.
C’est pourquoi lorsque j’ai pris mes fonctions en novembre dernier, j’ai partagé, à travers une vidéo, mon projet et ma façon de travailler basée sur la collaboration/la coopération au sein de cette industrie très réglementée. Ma volonté profonde est de monter un collectif solide aux côtés des 70 personnes expertes du leem, d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire, et finalement de la place de la santé en France.
Au XXIe siècle, il est important de poser des actes pour engager l’organisation, avec les différentes parties prenantes (associations, institutionnels, médias…) afin de construire un narratif et l’inscrire dans la société. Faire le choix de la paix est plus courageux que celui de la guerre entre tous les acteurs ; je suis déterminée à livrer ce combat.
Vous avez pris récemment les commandes de cette organisation professionnelle et à peine arrivée, vous avez souhaité rejoindre Entreprise et Progrès. Pourquoi rejoindre ce think tank ? Comment envisagez-vous d’y contribuer à l’avenir ?
Cela fait plus de 8 ans que j’ai rejoint Entreprise et Progrès quand j’étais secrétaire générale de Danone France. Je suis élue vice-présidente du think tank depuis 2022. J’ai particulièrement participé aux sur les sujets de gouvernance et de transformation des entreprises. C’est assez naturellement que j’ai embarqué le leem au sein d’Entreprise et Progrès. Les sujets de progrès dans le secteur du médicament sont au cœur du réacteur.
Dans Entreprise et Progrès, il y a « progrès ». Que signifie le progrès pour vous ?
Chez Danone, j’entendais souvent « on n’est pas parfait mais on n’a pas rien fait ». Nous nous efforcions de commenter le chemin de nos progrès accomplis. En effet, les transitions à manager sont tellement importantes qu’il faut encourager le progrès plutôt que se décourager sur des résultats pas encore toujours satisfaisants. Chez Entreprise et Progrès, nous interrogeons le « devenir meilleur », le « comment faire progresser au profit de tous ».
Le progrès, c’est montrer comment chaque jour nous apprenons, chaque jour nous devenons meilleurs, chaque jour nous contribuons à la société. Le progrès repose sur notre exigence à faire avancer le monde, que ce soit à travers nos actions dans notre vie professionnelle ou personnelle.
La santé en France fait face à des transformations profondes. Pourriez-vous nous en tracer les grandes lignes ? Comment construire le système de santé de demain ?
La meilleure façon de construire le système de santé de demain est de se mettre autour de la table, que chacun apporte sa pierre à l’édifice. Trop facile de condamner son voisin sans montrer les quarts de tour que nous devons tous faire. J’ai eu à gérer dès mon arrivée le problème des pénuries par exemple. Ce fut un rendez-vous au ministère de la santé dès ma première semaine ! Là-aussi sujet complexe, qui implique tous les acteurs. À nous de travailler en coopération.
Pour que la France demeure le pays de la carte verte, il faut que chaque acteur contribue à l’équilibre des comptes sociaux. Le médicament ne doit pas être la seule variable d’ajustement budgétaire. Je ne vous cacherais pas que se mettre d’accord autour de la table reste un exercice très compliqué. Mais je ne lâche rien !
Les entreprises du médicament semblent engagées dans une démarche de responsabilité sociétale : pourriez-vous nous en dire plus ?
Quand je suis arrivée au leem, nous avions plutôt un discours essentiellement économique. Nous avons créé une nouvelle feuille de route avec le conseil d’administration, construite autour de 3 piliers :
- l’accès aux traitement pour tous les français et donc la souveraineté sanitaire ;
- la capacité à produire et innover et donc la nécessité de retrouver de la respiration économique ;
- la responsabilité et donc toutes les transitions à opérer ; ce qui signifie démontrer que l’on travaille dans les territoires pour aller chercher les besoins en matière de compétences dans les usines, réfléchir à toutes les transitions sur le numérique et comment l’IA va impacter la façon dont on traite les patients, signer un accord de branche sur la décarbonation, signer des accords pour les aidants.
La responsabilité sociétale fait donc partie aujourd’hui de nos 3 piliers prioritaires.
Avec la montée de la précarité et de la pauvreté en France, que mettez-vous en place pour garantir « une santé accessible à tous » ?
Le leem a rejoint le cercle de Giverny. Avec Antoine Sire, directeur de l’engagement de BNP Paribas, je copréside le groupe de travail « Inclusion ».
Pour moi, l’inclusion doit faire partie de nos modèles d’affaires. En quoi sont-ils des modèles inclusifs qui permettent à tous les Français d’avoir accès à leur traitement de santé ? Je vous avoue que c’est un axe de réflexion très fort pour moi : comment concilier innovation, production en France et souveraineté sanitaire, au service de tous ? Il n’y a pas de performance économique durable s’il n’y a pas de performance sociale et sociétale. Nous devons créer de nouveaux indicateur au bénéfice de nos entreprises et de la société.
La thématique des vulnérabilités est au cœur des réflexions d’Entreprise et Progrès : qu’est-ce que cela vous évoque ?
Ce sujet est magnifique car il peut être pris à 360° : vulnérabilités sociales, économiques, écologiques… Comment être riche dans un pays pauvre ? Comment favoriser la croissance quand les ressources sont finies ? Nous vivons sur une planète qui elle-même est vulnérable. On ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était. C’est fort et courageux de parler de vulnérabilités, cela fait prendre les bonnes décisions. Le nouveau leadership, celui du leader populaire, c’est d’être totalement en prise avec ces sujets.
Propos recueillis par Ariane Benard
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