Léon Laulusa, directeur général ESCP

« Valoriser le développement des potentialités humaines me tient à cœur. »    

  • Interview

Entre leadership académique et vision entrepreneuriale, Léon Laulusa trace une trajectoire unique au service de l’excellence et du bien commun. À la tête de l’ESCP Business School, il partage sa conviction que l’éducation doit non seulement transmettre des savoirs, mais aussi préparer des leaders capables de conjuguer performance économique et impact positif. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, les singularités de l’ESCP et les défis d’une formation tournée vers un progrès durable et inclusif.

  1. Votre parcours allie une expérience significative dans l’audit et le conseil à un engagement fort dans l’enseignement supérieur. Qu’est-ce qui vous a conduit à faire ce choix de carrière atypique ?

Ma carrière a débuté dans l’audit et le conseil où j’ai exercé pendant 15 ans. Je suis devenu Associé (Partner) chez Deloitte. Parallèlement, j’ai eu l’opportunité de donner des cours à HEC en 1996, encouragé par mon directeur de thèse dans le cadre d’un doctorat en sciences de gestion. Cette première expérience m’a permis de découvrir une vraie noblesse dans l’éducation, un moyen de mieux servir la société et d’inspirer les autres.

Avec le temps, j’ai réussi à combiner mon expertise en entreprise et mon engagement académique. Cela m’a ouvert des perspectives inattendues, notamment celle de diriger une institution comme l’ESCP. J’ai l’humble conviction que cette double compétence est une force essentielle pour les établissements d’enseignement supérieur à vocation internationale.

 

  1. L’ESCP est une institution prestigieuse dans le paysage des écoles de commerce. Quelles en sont, selon vous, ses principales singularités et forces ?

L’ESCP se distingue par trois caractéristiques majeures :

  • Un héritage historique allié à une agilité moderne. Fondée en 1819, l’ESCP est la toute première école de commerce au monde. Avec plus de deux siècles d’histoire, nous avons su traverser les crises et transformations tout en restant innovants.

L’ESCP est une jeune startup avec 205 ans d’histoire.

  • Une dimension internationale unique. Dès 1824, un tiers de nos étudiants étaient internationaux. Aujourd’hui, ils représentent deux tiers de nos effectifs et viennent de 140 pays. Cette diversité culturelle fait partie de notre ADN et enrichit chaque aspect de notre pédagogie.

L’ESCP est une sorte de petite « Organisation des Nations unies ».

  • Une présence paneuropéenne. Nous sommes implantés dans six grandes villes : Paris, Berlin, Madrid, Londres, Turin et Varsovie. Contrairement à d’autres écoles qui s’appuient sur des partenariats locaux, nous opérons de manière autonome et sommes habilités à délivrer des diplômes reconnus dans chaque pays.

Enfin, la puissance de notre réseau d’alumni est une véritable force, avec plus de 85 000 alumni présents dans 200 pays. Nous avons accueilli quelques personnalités comme Michel Barnier, Jean-Pierre Raffarin, Roxana Maracineanu, Stéphane Diagana, Patrice Louvet, Arnaud de Puyfontaine, etc.

L’ESCP se distingue également par sa capacité à former les leaders et entrepreneurs de demain. Quelques chiffres significatifs en témoignent :

  • Sur les 75 plus grandes entreprises françaises, 10 sont actuellement dirigées par des anciens de l’ESCP.
  • Parmi les 34 licornes françaises dans le domaine de la tech, 7 ont été fondées par des diplômés de l’ESCP.

Cette forte culture entrepreneuriale s’explique en partie par notre modèle de fonctionnement. L’ESCP ne bénéficie d’aucune subvention de l’État.

Nous gérons notre école comme une véritable entreprise mais à but non lucratif, ce qui nous pousse à innover et à maintenir une dynamique entrepreneuriale constante.

 

  1. Quelles valeurs fondamentales portent l’ESCP et comment résonnent-elles avec celles d’Entreprise et Progrès ?

Valoriser le développement des potentialités humaines, tant sur le plan personnel que professionnel, est une priorité pour nous. Cela résonne directement avec le credo d’Entreprise et Progrès, qui place l’humain au centre des organisations.

L’humanisme est au cœur des valeurs de l’ESCP.

Nous partageons également des principes comme le respect d’autrui, l’ouverture culturelle, le courage, l’éthique et l’apprentissage continu. Ces valeurs sont indispensables pour relever les défis sociétaux actuels et bâtir un avenir durable.

 

  1. Qu’est-ce que le progrès selon vous ?

Dans le terme « progrès », j’entends la nécessité d’agir pour les transformations de notre monde. Il s’agit de promouvoir un progrès global qui combine les dimensions sociale, économique, éthique et durable.

Le progrès implique de placer l’humain au cœur d’une économie responsable, en conjuguant humanisme et éthique. Le progrès repose alors sur une gouvernance transparente, une attention constante à la durabilité et une volonté de contribuer à une société plus juste et apaisée. En somme, c’est viser le bien commun.

 

  1. Comment préparez-vous vos étudiants à devenir les dirigeants de demain ?

Notre ambition est de former des leaders et des entrepreneurs engagés, éclairés, c’est-à-dire capables de prendre des décisions responsables et visionnaires, qu’ils se destinent à une carrière opérationnelle, fonctionnelle ou stratégique.

Nous promouvons l’interdisciplinarité en leur offrant des spécialités variées, tout en intégrant une perspective internationale constante.

Nous les encourageons à adopter une approche éthique et à développer leur capacité à innover. Finalement, nous formons des individus capables de conjuguer performance économique et impacts positifs sur la société.

 

  1. Pour Entreprise et Progrès, il n’y a pas de performance économique sans performance sociale. Que vous inspire cette vision ?

La performance est souvent réduite à sa dimension financière, mais pour moi, elle est multidimensionnelle. Il s’agit de faire mieux, pas simplement de faire plus.

Viser le bien commun est une nécessité si nous voulons rester pertinents demain.

La performance sociale, au même titre que la performance économique, est un pilier indispensable pour une organisation durable. Elle permet de créer des entreprises plus justes et équilibrées, en phase avec les attentes de la société.

 

  1. L’humanité fait face à des transformations profondes. Comment faire en sorte que ces changements soient favorables au bien commun ?

La réponse réside dans l’intelligence collective. Des think tanks comme Entreprise et Progrès jouent un rôle essentiel de chef d’orchestre des réflexions et des transformations.

Si de nombreuses personnes sont animées par une énergie positive, il manque souvent un cadre structurant pour collecter ces énergies et offrir une plateforme de convergence. Les entreprises, prises par l’urgence opérationnelle, peinent parfois à dégager du temps pour la réflexion stratégique. C’est là qu’interviennent des alliés comme Entreprise et Progrès, capables d’offrir un espace dédié à la prise de recul.

Pour concilier la nécessité d’une performance immédiate et la construction d’une vision à long terme, il est crucial de fixer un tempo adapté. Entreprise et Progrès apporte une réelle valeur ajoutée en anticipant et en accompagnant les grandes transformations, tout en favorisant une dynamique équilibrée.

Enfin, il est essentiel de cultiver une culture de l’encouragement. Comme je le dis souvent : « L’excellence, c’est l’élite pour tous ». Il s’agit de motiver chacun à viser le meilleur et de célébrer chaque progrès. Car le progrès est un succès, et le succès est un voyage, jamais une destination.

 

  1. L’Entreprise éducative est au cœur des réflexions d’Entreprise et Progrès : qu’est-ce que cela vous évoque ?

Aujourd’hui, les frontières entre l’école et l’entreprise s’effacent, car la formation ne se limite plus à un âge ou à un lieu. À l’ère de l’obsolescence rapide des connaissances, il est impératif d’adopter une logique de formation continue tout au long de la vie. L’entreprise éducative devient alors un pilier central : elle permet aux individus d’apprendre, de s’adapter et de rester en phase avec les mutations du monde actuel et futur.

Dans un contexte marqué par l’émergence de l’intelligence artificielle générative, il est tout aussi vital d’apprendre à désapprendre pour mieux réapprendre.

La collaboration entre les entreprises, les universités et les écoles constitue un levier incontournable pour développer des dynamiques apprenantes et renforcer l’agilité organisationnelle et individuelle.

 

Propos recueillis par Ariane Benard