Vers un capitalisme des parties prenantes
Par André Coupet, associé de Paris Montréal Conseil
et Antoine Lemarchand, président de Nature et Découvertes, première entreprise française certifiée B-Corp.
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Vers un capitalisme des parties prenantes
14 février 2019
Par André Coupet, associé de Paris Montréal Conseil
Antoine Lemarchand, président de Nature et Découvertes, première entreprise française certifiée B-Corp.
Les auteurs ont piloté, au sein d’Entreprise et Progrès, la recherche « Devenir une entreprise progressiste » Ce texte s’inscrit dans le cadre du Grand Débat National et de la suite de l’examen du projet de loi PACTE au Parlement.
L’année 2018 s’est achevée sur une immense colère sociale qui a interpellé l’État, nos institutions, la société et, manifestement, notre modèle économique : nos entreprises épuisent trop les ressources et produisent trop d’injustices. Dans ses vœux du jour de l’an, le président de la République a clairement dénoncé ce « capitalisme ultralibéral et financier, trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, qui va vers sa fin »
Pourtant 2018, ne l’oublions pas, a été l’année d’un débat fructueux autour de l’utilité de l’entreprise. Le projet de loi PACTE relatif à la transformation de l’entreprise et toutes les réflexions qu’il a suscitées marquent un vrai changement et nous permettent d’entrevoir l’émergence d’un nouveau capitalisme, celui des parties prenantes.
Le capitalisme, de fait, n’est pas figé. On oublie que nous sommes passés d’un capitalisme patrimonial, fin du XIXe siècle, à un capitalisme managérial au milieu du XXe siècle, puis au capitalisme actionnarial à partir des années 1980. La France n’est pas le seul pays où il y a un débat sur la nature, le rôle et la gouvernance des entreprises. En Amérique du Nord, le mouvement du leadership conscient, l’émergence de la « purpose economy » et le phénomène des « B-Corp » – qui se propage d’ailleurs dans toute l’Europe – témoignent de cette nécessité de basculer dans une économie de marché où le profit n’est plus la fin ultime mais le moyen de créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes et non plus seulement l’actionnaire. Partout, face à l’urgence des écarts de richesse qui nourrissent le populisme et celle des réalités écologiques de plus en plus angoissantes, on comprend qu’il faut remettre les pendules à l’heure : la finance au service de l’entreprise et l’entreprise au service des hommes et de la cité, et non l’inverse.
La raison d’être : une révolution tranquille
Le rapport Notat-Sénard a mis les projecteurs sur la raison d’être des entreprises ; il les invite à inclure une définition de leur contribution fondamentale à la Société dans leurs statuts ; ce faisant, il propose tout simplement une sorte de révolution tranquille. En effet, en demandant aux acteurs-clés de l’entreprise, membres du Conseil d’administration et employés, et, pourquoi pas, clients et fournisseurs, de formuler son utilité sociale, on libère la réflexion stratégique et on élargit automatiquement le domaine d’action de l’entreprise : on ne démarre plus l’exercice avec le célèbre tableau « menaces/opportunités/forces/faiblesses » mais avec une ambition positive, celle de contribuer à un monde meilleur.
Avec un engagement à long terme qui fait sens, qui est porteur de valeurs humanistes et avec un tel décloisonnement, on devine aisément que la mobilisation pour transformer l’organisation sera beaucoup plus forte, plus durable et que cette vision débouchera logiquement sur la notion de performance globale qui inclut les impacts sociaux et environnementaux, positifs ou négatifs.
Pour des Assises du « Capitalisme des parties prenantes »
Alors, que faire à présent ? Il apparaît plus que pertinent, en 2019, de profiter du momentum créé par cette proposition qui fait largement consensus. Ne laissons pas filer le temps pour un jour regretter que toutes les belles idées de ces derniers mois ne se retrouvent sur le pavé des bonnes intentions. Que tous ceux, extrêmement nombreux, dirigeants, universitaires, think-tanks, représentants du patronat ou des syndicats, éditorialistes… qui ont contribué à la réflexion en amont du projet de loi PACTE, se rassemblent pour poursuivre l’écriture du modèle de l’entreprise de demain.
Des ébauches existent : celles de l’entreprise « bien commun », de l’entreprise « contributive », de l’entreprise « progressiste »…
Un modèle à promouvoir et enseigner
Mais rassemblons tout ceci en un seul modèle, en éclaircissant bien des aspects qui ne devaient pas ou qui n’ont pas été suffisamment pris en compte dans le projet de loi. Ainsi pour les modèles d’affaires à implanter, relevant soit de l’économie circulaire, soit de l’économie de la fonctionnalité, soit du commerce équitable. Ou encore, l’élargissement des états financiers aux impacts économiques, sociaux et environnementaux pour déboucher sur un bilan global et un rapport intégré. Ou bien l’ouverture effective des conseils d’administration aux employés et aux autres parties prenantes…
Le temps est venu de proposer un modèle d’entreprise alternatif, à but lucratif et sociétal, complet, logique, fiable et donc rassurant. Les exemples d’entreprises performantes tant sur le plan économique que sociétal sont, de façon de moins en moins surprenante, très nombreux, et ce, des deux côtés de l’Atlantique. Mais il faut nommer ce nouveau modèle, l’écrire afin de le dupliquer et – condition sine qua non, l’enseigner. Il y a 13 000 business schools dans le monde qui n’ont, à toutes fins pratiques, que le modèle actionnarial, un modèle centré sur l’avidité – dénoncée par le président de la République – et sur le « toujours plus », toujours plus de croissance, toujours plus de profit. C’est là qu’il importe de faire aboutir ce modèle du capitalisme des parties prenantes, un modèle plus équilibré, plus vivable, plus généreux, moins gourmand, et au final moins destructeur.
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